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ART AFRICA a pris contact avec les organisateurs de deux festivals de films africains contemporains, The New Africa Film Festival et shnit International Shortfilmfestival  déjà initiateurs de grands changements  afin de faciliter le dialogue: où les organisations pourraient se poser leurs propres questions entre elles pour en savoir plus sur leurs projets respectifs et des chevauchements propices. 

AA JUNE Shnit1shnit International Shortfilmfestival Opening Night 2012 at the Labia Theatre, Cape Town. Photograph: Paula Zapata. All images courtesy of shnit International Shortfilmfestival.

Le New African Film Festival et shnit International Shortfilmfestival travaillent sans relâche pour changer les stéréotypes qui dominent sur notre continent très varié, en présentant des films africains devant un public plus large: en mettant en avant la richesse de récits uniques et une réalisation de talent, et développer le succès d’auteurs et de films venant d’Afrique, ainsi que ceux des communautés plus larges de la diaspora africaine.

La première organisation est le festival annuel New African Film Festival (créé en 2005) coprésenté par AFI. Le projet, Africa World Now Project et afrikafé, a eu lieu dans le Maryland aux USA, majoritairement diffusé devant un public africain, le festival a connu une croissance d’intérêt au cours des années puisque des membres d’une plus large communauté commencent à y porter un intérêt  – embrassant l’opportunité de regarder des films qu’ils n’auraient normalement jamais pu voir et commençant à ajuster leur perception sur un continent qu’ils connaissent à peine. L’Africa World Now Project, représenté par Mwiza Munthali et James Pope, est un programme éducatif qui coopère avec diverses initiatives, la fusion de l’Histoire, de la culture et des politiques à travers le large spectre de l’Afrique et de sa diaspora. Afrikafé, représenté par Kishere, est un réseau professionnel pour africains et ‘amis de l’Afrique’, dont le but est de faciliter le partage des idées et des ressources, et de créer des occasions de mise en réseau.

Le second groupe invité à la conversation est la section locale du shnit International Shortfilmfestival. Shnit est un festival du film transnational, à but non lucrative, qui se déroule simultanément à travers les cinq continents une fois par an, avec d’autres actions se déroulant sur toute l’année. Le festival d’origine est basé en Suisse, la base de celui d’Afrique du sud se trouve à Cape Town et est représenté par Sean Drummond (conseiller de coordination de shnit International) et Alasdair McCulloch (Manager du festival d’Afrique du sud).

Leur objectif principal est de construire des ponts durables entre les réalisateurs et les publics, augmentant leur visibilité, et permettant aux réalisateurs de développer une carrière durable et enrichissant plus de trente mille membres du public chaque année à travers le monde.

 Ce qui suit est un rapprochement métaphorique de mêmes esprits et la promesse de grandes choses à venir.

AA June16 Shnit7Sean Drummond (left) and Alasdair McCulloch (Right) with SA jury president Gavin Hood (centre) during the shnit International Shortfilmfestival 2014. Photograph: Monique Odendaal.  

Sean Drummond et Alasdair McCulloch au shnit International Shortfilmfestival discussion avec Mwiza Munthali et James Pope d’Africa World Now Project et Kishere d’afrikafé

Sean Drummond et Alasdair McCulloch (shnit International Shortfilmfestival): Quels sont les thèmes et les moteurs de votre programmation ?

Africa World Now Project et afrikafé : En ce qui concerne le New African Film Festival, nous ne dirions pas qu’il existe un thème a proprement dit, mais l’objectif principal est de présenter à notre public américain de nouveaux films africains qu’ils n’auraient pas pu voir autrement dans notre région. Nous ne présentons que des films sortis sur les deux dernières années, à l’exception de la rétrospective consacrée à Ousmane Sembène, décédé en 2007.

Nous ne sommes pas un festival classique, dans le sens où nous n’acceptons pas directement de mettre en compétition les films proposés par des cinéastes. Au lieu de cela, nous projetons les meilleurs films présentés aux plus grands festivals du continent, à savoir le FESPACO (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou) et le Zanzibar International Film Festival. Le FESPACO est le plus grand festival du film en Afrique. Il a lieu tous les deux ans au Burkina Faso. Le Zanzibar International Film Festival est le festival annuel d’art, de musique et du film d’Afrique orientale. 

Notre festival inclut des longs métrages de fiction, des courts métrages et des documentaires issus de toute l’Afrique. Nous n’appliquons pas de quota national ou régional, mais nous tenons à présenter une sélection de films africains aussi équilibrée que possible.

Bien que nous évitions les thèmes, nous dirions que nous sommes particulièrement intéressés par les films guidés par un principe de justice sociale, comme Aisha (Tanzanie, 2015) ou Difret (Éthiopie, 2014), qui sont pédagogiques tout en ayant une excellente intrigue, ainsi que les films mettant en avant et contextualisant des questions socio-politiques, comme An African Election (Ghana, 2010) ou National Diploma (République Démocratique du Congo, 2014).  

L’un des avantages majeurs d’un partenariat avec une organisation telle qu’AFI Silver, est l’accès aux ressources toutes prêtes d’un institut cinématographique bien établi.  Cela nous offre une souplesse quant au choix des films selon leur contenu et leur mérite artistique et nous permet de préserver l’intégrité de cette vision.

AA June16 Shnit3Aisha with her brother Ibrahim, film still from Aisha, 2015. Courtesy of UZIKWASA, Tanzania.

Africa World Now Project : Dans l’ensemble, le contexte panafricain de notre travail constitue notre mécanisme de sélection. Il nous sert de fondement conceptuel et philosophique tandis que nous nous efforçons de montrer la vitalité de chaque aspect de la vie africaine et diasporique. Par conséquent, la recherche visant à inventorier et extraire les continuités dans les expériences africaines et diasporiques est importante, dans l’optique de présenter et de centrer l’art africain en laissant place à des activités affectant notre conscience. En fait, l’objectif ultime est d’inspirer une conscience critique, de nous assurer que tout notre travail instille une profonde notion de respect pour la vie africaine dans son ensemble, par le biais de plateformes multimédia tels que les festivals, les sessions d’échange de connaissances et la radio. Ce but nous pousse constamment à développer et proposer des programmes ad hoc. Si on devait résumer, je dirais que notre mission est de décoloniser l’art (les formes d’art).

AA June16 Shnit2Filmmaker Sakhumzi Mati taking part in the shnit Realtime Film Competition, 2012. Photograph: Paula Zapata. 

Quel engouement le film africain suscite-t-il aux États-Unis ? Comment le commercialisez-vous, voyez-vous une augmentation du public ? Touchez-vous également un public au-delà de la diaspora aux États-Unis, un public moins lié à l’Afrique ?

Nous pensons qu’il y a toujours eu un grand intérêt pour le film africain (et pour la culture africaine en général), puisque l’histoire des États-Unis est intimement liée à l’Afrique. Le problème, tel que nous le concevions, était l’accès et la disponibilité d’espaces facilitant le renforcement de ce lien par le film. Lorsque nous avons fondé le festival, l’objectif était d’apporter de nouveaux films africains – réalisés par des cinéastes africains – dans la capitale nationale pour garantir une constante redynamisation de cette relation. 

En 2014, nous avons battu notre record de spectateurs lors de la projection de Half of a Yellow Sun (Nigeria, 2013)et nous avons eu cette année un total de cinq soirées à guichet fermé. Notre croissance est régulière et nous continuons d’attirer de nouveaux publics. En fait, 2016 est déjà notre seconde meilleure année en termes d’affluence. Si la majorité de notre public est africain, nous attirons aussi un nombre significatif de non-Africains, accompagnés de leurs amis, qui eux-mêmes ramènent des amis. Le bouche à oreille et l’utilisation ciblée des réseaux sociaux ont joué un rôle primordial dans la sensibilisation et dans la promotion du festival.

AA June16 Shnit4Detail of film still from Nairobi Half Life, 2012. Image courtesy of The Festival Agency.

Êtes-vous conscient des représentations du continent et de ses communautés de diaspora que vos sélections de films peuvent véhiculer au public ?

Au fil des ans, nous avons pris garde de ne pas montrer trop de films polémiques dénués d’une contrepartie divertissante, en particulier avec ces productions issues d’Afrique du Sud qui trop souvent traitent d’apartheid ou de sujets connexes. 

Cet équilibre est crucial, puisque notre objectif implicite consiste à susciter, grâce au cinéma, une connaissance approfondie via un contact avec une grande diversité d’expériences de la vie africaine. Chaque film thématique devrait être contrebalancé par une bonne comédie dramatique, ou une production similaire, afin de créer une vision bien équilibrée du continent et de ses communautés de diaspora.

Le premier exemple qui me vient à l’esprit est le succès incroyable de la première de Nairobi Half Life (Kenya, 2012) il y a quelques années, un film sur un jeune acteur qui déménage à Nairobi en vue de poursuivre son rêve de carrière. Nous sommes très attentifs au choix du film que nous programmons en ouverture, puisqu’il donne bien souvent le ton général du festival. De tous les films que nous avons projetés à ce jour, il s’agit probablement de celui qui a suscité la meilleure réaction du public. Celui-ci était totalement captivé à chaque rebondissement et a même accueilli le générique de fin avec une ovation. Voilà le genre d’engagement que nous espérons.

Quelles tendances avez-vous identifiées dans le cinéma africain ? Comment les films africains se mélangent-ils aux industries régionales mieux établies ? Qu’est-ce qui rend le cinéma africain unique ?

Une tendance qui semble se développer consiste à mettre l’accent sur l’Afrique urbaine et ses diverses difficultés. Il semblerait aussi qu’un genre propre à la jeunesse, ou plutôt aux jeunes adultes, se développe, comme le démontrent des films tels que Necktie Youth (Afrique du Sud, 2015) et Nairobi Half Life.

Tous ces films ne possèdent pas particulièrement d’unicité africaine, mais plutôt une volonté nouvelle de narrer les histoires authentiques de l’Afrique – les épreuves quotidiennes, la joie de vivre et les rêves – vue par les Africains et d’inverser délibérément la représentation stéréotypée du continent sur le grand écran – en montrant le quotidien et l’ordinaire qui n’ont jamais été exposés. Sur le continent, le cinéaste apparaît de plus en plus comme le < griot des temps modernes >. 

Auparavant, il n’y avait pas vraiment de mélange entre les industries cinématographiques africaine et occidentale. Il convient toutefois d’indiquer qu’il existe une longue tradition de collaboration entre les cinéastes issus de l’Afrique francophone et les financiers européens. Par conséquent, certains de ces projets et cinéastes sont programmés dans des festivals en Europe, et en particulier en France. On pense notamment à des auteurs comme Sembène, qui a vécu en France où il a perfectionné son art, et où il a été programmé. Avec la recrudescence de clips musicaux, on remarque une nette influence des États-Unis sur l’Afrique, en particulier sur l’industrie/le genre cinématographique de Nollywood. Cependant, étant donné que le nombre de régions qui se connectent aux technologies en temps réel augmente – partageant et diffusant leur culture – l’Afrique aura de plus en plus d’influence sur l’Occident. C’est une tendance que nous constatons déjà dans la mode. 

AA June16 Shnit6Tanya and Bogosi, film still from Necktie Youth, 2015. Courtesy of Hanro Havenga.

Quels sont les évolutions les plus passionnantes que vous ayez constatées dans le cinéma africain ? Dans quels domaines peut-il encore progresser ?

L’augmentation du nombre de pays qui produisent des films et du volume de cette production cinématographique est passionnante.  Quand nous avons commencé le New African Film Festival en 2004, il était par exemple très difficile d’obtenir des productions de pays tels que l’Ouganda, le Lesotho, le Liberia, le Malawi, la Tanzanie, le Gabon et le Rwanda, pour ne citer qu’eux. 

Il est également enthousiasmant de constater une diversification du type d’histoires portées au grand écran, avec notamment des intrigues plus variées et complexes, s’aventurant notamment du côté de la communauté LGBTI ou dans le domaine de la science-fiction.

Dans un futur proche, l’Afrique peut s’améliorer en développant l’industrie du cinéma : la professionnaliser davantage, afin que les artistes puissent affiner leur art et en vivre.  Il faudrait pour cela l’aide d’organismes gouvernementaux, proposer des cursus cinématographiques dans les écoles et universités, et un soutien financier des grands donateurs du continent. 

Comment les cinéastes africains s’approprient-ils leurs voix, cultures et histoires ?

La transition de l’analogique et des caméras 35mm aux caméras numériques a eu pour conséquence de démocratiser la réalisation de films. C’est un vent de liberté pour les cinéastes en herbe du monde entier. Cela donne une voix à ceux dont on pensait qu’ils n’en avaient pas.  De plus, cela offre une diversité de pensées, de talents et stimule la créativité.  Ce progrès technologique a facilité la gestion du financement alloué à la réalisation de film, augmentant de fait la production cinématographique africaine.  L’industrie cinématographique nigériane est un parfait exemple de cette tendance, tout comme l’émergence d’autres pays d’Afrique qui n’étaient pas traditionnellement dotés d’industries cinématographiques.

AA June16 Shnit8Film still from An African Election, 2011.

Devez-vous relever des défis (tel que l’Orientalisme du cinéma africain) lorsque vous projetez une production issue du continent africain aux États-Unis ?

Cela constitue indubitablement un défi. Non seulement pour les films africains, mais aussi pour les films qui traitent des personnes d’origine africaine résidant aux États-Unis. En fait, il y a aussi le défi de trouver des acteurs pour jouer dans les films locaux, en témoigne la critique adressée cette année à l’industrie avec #OscarsSoWhite. Sans parler du fait que les films sur l’Afrique vus par l’Amérique du Nord ont sérieusement déformé et imprégné la conscience de la grande majorité du public, y compris du public d’origine africaine. La vision impérialiste de l’Afrique – le continent noir – peuplée de sauvages qui doivent être ‘domestiqués’ continue de façonner l’industrie cinématographique avec son implicite narration ‘du sauveur blanc’.     

S’il n’existait pas de festivals cinématographiques comme le nôtre, le public n’aurait aucune idée de la vitalité du film africain, et encore moins de la vie africaine. ‘L’altérisation’ de l’Afrique en tant que produit de l’impérialisme et du colonialisme et son filtrage dans le cinéma posent en effet problème. Toutefois, l’augmentation de l’affluence au festival prouve que nous sommes en bonne voie pour décoloniser les perceptions de l’Afrique une bonne fois pour toutes.

 AA June16 Shnit9Mwiza Munthali (Africa World Now Project) and Kishere (afrikafé) at the New African Film Festival opening, 11 March 2016. Photograph: Lawrence Green. Courtesy of Time Travelling Media.

Mwiza Munthali et James Pope de l’Africa World Now Project et Kishere d’afrikafé 

Entretien avec Sean Drummond et Alasdair McCulloch lors du ‘shnit International Shortfilmfestival’

Africa World Now Project et afrikafé : Comment quelques jeunes cinéastes se sont-ils réunis pour organiser un festival de cette importance ? Quelle était votre vision globale ?

Sean Drummond et Alasdair McCulloch (shnit International Shortfilmfestival) : Le début de shnit au Cap est basé sur le modèle initial de shnit en Suisse, créé il y a de cela quatorze ans. En tant que jeunes cinéastes, nous n’étions pas satisfaits des plateformes et opportunités locales de projection de courts-métrages. On nous a donné la chance d’organiser shnit au Cap. Ce qui a commencé comme un petit événement de projection est devenu en sept ans un festival d’envergure, avec une portée culturelle, qui dure cinq jours et inclut des centaines de films. L’apprentissage de l’organisation d’un festival fut rude, mais sept ans plus tard, nous avons réussi à rester fidèles à nos idéaux premiers (ainsi qu’aux principes éthiques de shnit) consistant à encourager et vanter la programmation locale. Nous avons une équipe locale modeste mais dévouée, essentiellement composée de bénévoles qui sont pour la plupart cinéastes aussi. Notre priorité est de présenter les meilleurs courts métrages au monde chaque année – d’inspirer les cinéastes locaux et de montrer une vaste sélection des meilleurs films d’Afrique du Sud – et d’essayer d’exporter ces films locaux à l’étranger. Nous avons assis notre place dans la programmation du festival annuel du Cap et bénéficions du soutien des institutions cinématographiques, cinéastes et cinéphiles d’Afrique du Sud. 

Vous avez débuté le chapitre du shnit International Shortfilmfestival au Cap en mettant l’accent sur l’Afrique du Sud et vous envisagez désormais de l’étendre au reste de l’Afrique. Comment comptez-vous établir un authentique festival à l’échelle continentale ?

Nos perspectives à long terme prennent forme lentement mais sûrement.  L’objectif global de shnit est de briser les passerelles culturelles, non seulement en Afrique, mais entre toutes les cultures et tous les peuples à travers le monde. Cette année, nous sommes présents dans huit villes hôtes sur les cinq continents et nous prévoyons en octobre d’organiser de plus modestes projections “satellites” dans près de trois cents villes supplémentaires, se déroulant toutes sur la même période. Le fait que de si nombreux et différents publics voient les mêmes films témoigne bien de la puissance fédératrice de l’art. 

Quant à la dimension locale, nous nous sommes étendus à d’autres régions d’Afrique australe. L’année dernière, nous proposions un programme limité de projections se concentrant essentiellement sur la production locale, et nous aimerions poursuivre cette expansion. L’un de nos principaux objectifs consiste désormais à développer des relations avec les cinéastes et institutions cinématographiques du continent. Nous pourrons ainsi présenter davantage de films africains et brandir notre bannière dans un plus grand nombre de salles de projection en Afrique. Par exemple, nous avons déjà coordonné des projections “satellites” dans des pays aussi lointains que le Nigéria. Nous avons déjà préparé le terrain et nous devrions même un jour être en mesure d’organiser un festival du film dédié à l’Afrique, à l’instar de celui que nous avons créé en Afrique du Sud.

AA June2016 shnitFRENCH1shnit International Shortfilmfestival opening night, 2013 at the Labia Theatre, Cape Town. Photograph: Mads Nørgaard. Courtesy of shnit International Shortfilmfestival.

Préférez-vous que des thèmes spécifiques soient associés à votre festival et si oui, comment cela affecte-t-il le processus de sélection ? 

Nous ne programmons pas selon des thèmes, mais certaines pensées dominantes finissent généralement par s’immiscer dans notre programmation. Nous constatons souvent que les cinéastes qui explorent des thèmes similaires façonnent naturellement la direction que prend le programme. Ces dernières années, nous avons vu apparaître au programme une cuvée de films véritablement forts, socialement et politiquement pertinents et donnant à réfléchir. Un grand nombre de films interrogent le statu quo, ainsi que les structures sociales et politiques, ce qui en dit long sur l’état d’esprit ambiant.  Nous avons également tendance à contrebalancer ces films avec des projections de travaux expérimentaux, de comédies désopilantes et de courts métrages purement divertissants chaque année.

Nous pensons que nous avons une part de responsabilité vis-à-vis de l’art et de notre public. Nous souhaitons divertir les gens, mais nous voulons aussi qu’ils se sentent inspirés et se posent des questions. Cela ne peut se faire que dans le cadre d’un festival à l’excellente programmation, où le public se trouve arraché à sa zone de confort. Nous voulons que nos publics sortent du festival enrichis, sans jamais se sentir aliénés. C’est une question d’équilibre. Heureusement, les politiques de programmation de shnit (dans le monde entier) sont solides et basées sur des principes forts d’excellence, de pertinence et d’inclusion.

Vos projections ont lieu dans plusieurs zones urbaines. Cela reflète-t-il votre public cible ? Et si, par extension, l’essentiel de votre public est instruit et aisé, prévoyez-vous d’élargir la distribution ?

Nous n’aimons pas restreindre le public cible, bien que ce type d’événement et d’art ait plutôt tendance à se trouver dans les centres urbains. Par conséquent, au fur et à mesure que notre réputation et notre budget s’accroissent, nous continuerons de développer des partenariats avec différents organismes pour diffuser ces films dans des communautés moins aisées. Nous examinons aussi la possibilité de diffuser des sélections de notre programmation locale sur les chaînes de télévision grand public. Nous explorons beaucoup de directions, l’objectif étant de montrer ces films à un public aussi large que possible. Pour cette même raison, nous nous efforçons de rechercher de nouveaux artistes dans les écoles de cinéma et de faire entendre leur voix. Nous travaillons avec un large panel de cinéastes pour produire des films via le festival chaque année. Nous nous appuyons donc sur la base de l’industrie du cinéma pour nous développer.

AA June2016 shnitFRENCH2shnit International Shortfilmfestival audience at the Labia Theatre, 2012. Photograph: Carmen Davila. Courtesy of shnit International Shortfilmfestival.

Quels sont les défis logistiques que vous avez eu à relever en programmant des projections simultanées dans diverses villes du pays ?

Il est déjà assez compliqué d’organiser plusieurs projections dans une seule ville (problèmes tels que le recrutement, le marketing, la coordination des films et le matériel de projection, etc.), mais c’est aussi prendre le risque de diviser ou de décourager les publics désirant voir la totalité des films et qui s’en retrouvent incapables à cause de chevauchements dans la programmation. Ceci étant, nous présentons jusqu’à deux cents films, nous devonsdonc utiliser plusieurs lieux. L’année dernière, nous avons pour la première fois projeté simultanément des films à Johannesburg et au Cap et l’équipe avec qui nous avons travaillé était géniale. En fait, tous les lieux avec lesquels nous travaillons nous facilitent grandement la tâche. Ce sont tous des professionnels et de fervents adeptes du court métrage et du cinéma local. En réalité, shnit (dans l’ensemble) coordonne des projections dans tellement de villes à travers le monde tout au long des deux semaines de festival que ces défis font presque partie de notre quotidien désormais. Ce n’est pas que les choses sont devenues plus simples, mais nous savons à quoi nous attendre et nous avons pleinement confiance dans l’excellente équipe et dans le réseau que nous avons développé au fil des ans.

Avez-vous constaté des différences entre le court métrage africain et le court métrage dans le reste du monde ?

La culture du court métrage est certainement plus ancienne dans d’autres régions du globe, comme l’Europe et les États-Unis, où le volume de la production est incroyable par rapport au nôtre. Chaque région du continent possède ses caractéristiques propres. Les thèmes inhérents à l’Afrique et leurs structures narratives individuelles leur confèrent une originalité et un éclat particuliers. Il serait bon de voir davantage de films puiser dans les racines de la narration africaine. Les jeunes cinéastes sont influencés par la culture étrangère et se font les dents en jouant sur les genres et les styles issus de l’industrie mondiale du cinéma grand public, surtout celle d’Hollywood. Nous pensons que le court métrage est à même de briser ces modèles de convention et, bien que cela soit de plus en plus souvent le cas, nous aimerions voir les cinéastes continuer à se surpasser. En Afrique du Sud, les réalisateurs de courts métrages semblent manquer de cette confiance en leurs films contrairement àleurs contemporains étrangers. Les cinéastes sud-africains doivent être plus sûrs d’eux et montrer fièrement leur art au monde.

AA June2016 shnitFRENCH3shnit International Shortfilmfestival audience at the Labia Theatre, 2012. Photograph: Carmen Davila. Courtesy of shnit International Shortfilmfestival.

Avez-vous constaté un essor du court métrage depuis les débuts du festival il y a de cela sept ans ?

En Afrique du Sud, nous avons constaté un essor des événements autour du court métrage et notamment une recrudescence des festivals entièrement consacrés aux courts métrages, ainsi qu’une plus grande importance accordée à ces derniers dans les festivals de cinéma. Nous avons également observé une augmentation du nombre d’écoles du cinéma à travers le pays. Autre développement récent, les concours de réalisation de courts métrages en temps limité, comme le 48 Hour Film Project, qui sont devenus très populaires auprès des cinéastes, qu’ils soient étudiants ou professionnels. En 2015, la Made in South Africa Competition a programmé plusieurs films réalisés localement par des ressortissants africains étrangers et plusieurs films sud-africains réalisés dans d’autres pays d’Afrique australe. Selon toute apparence, les cinéastes locaux ont pour la plupart adoptés le médium du court métrage, même s’il est vrai que nous aimerions voir les réalisateurs africains de courts métrages prendre confiance dans leur capacité à expérimenter dans ce genre. Cette timidité générale les empêche de produire un travail authentique et significatif qu’ils pourraient montrer fièrement à un public mondial (par le biais de festivals comme shnit).

On imagine que l’organisation de six ou sept festivals ne vous laisse pas beaucoup de temps pour autre chose. Où vous voyez-vous dans cinq ans ? Est-ce que vous réaliserez toujours des films ?

Oh oui, nous sommes autant des cinéastes que des organisateurs de festival et rien ne changera cela. Au fur et à mesure que la famille shnit s’élargit, la charge de travail se répartie, ce qui permet à chacune des personnes impliquées de poursuivre sa carrière et sa vision de cinéaste. Cela demande beaucoup de temps, mais la croissance du secteur est notre récompense, puisqu’elle nous permet à tous de nous livrer à notre art. Nous sommes très surpris et satisfaits de voir les connections et réseaux s’étendre autour de shnit. Notre intégration dans un réseau festivalier mondial comme shnit implique que nous sommes exposés à un certain degré de connaissance de l’industrie que nous sommes capables de restituer, de partager et enfin d’utiliser au bénéfice de l’ensemble de l’industrie locale. Oui, nous sommes donc engagés sur le long terme.  

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